« TikTok vient éclairer en creux la politique chinoise de l’administration Biden »


Les débats autour de TikTok illustrent un étrange hiatus entre la nature d’une écrasante majorité de ses usages – une futilité plus ou moins joyeuse – et sa mise en lumière dans les rapports internationaux. La trajectoire ascendante de TikTok et de sa maison mère, ByteDance, pourrait bientôt symboliser le point culminant des interdépendances sino-californiennes qui ont abondamment nourri les capitalismes numériques américain et chinois de ces vingt dernières années, aujourd’hui remises en cause par le « découplage » technologique entre Washington et Pékin. L’affaire TikTok illustre enfin la convergence entre les Etats-Unis et l’Europe dans la recherche d’une maîtrise de leurs dépendances respectives.

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La première convergence concerne la perception de la menace chinoise. Du côté américain, un constat bipartisan établit que l’affaire TikTok clôt deux décennies de quasi- « business as usual » avec la Chine, où les considérations géopolitiques n’étaient certes pas absentes de l’équation, mais restaient soumises aux flux – humains, technologiques et de capitaux. L’enjeu TikTok vient aussi éclairer en creux la politique chinoise de l’administration Biden, laquelle a placé l’application en haut du spectre de la menace pour la « sécurité nationale ». Premier média social né hors des Etats-Unis capable de rivaliser voire de surpasser les plates-formes de la Silicon Valley, TikTok vient contester l’hégémonie des Etats-Unis dans l’économie numérique, champ qui a permis à la puissance économique et militaire américaine de se réinventer. Nul doute que l’« impératif de l’innovation » continuera de guider la compétition entre Washington et Pékin, mieux que des logiques classiques de rivalité militaire, voire que les contentieux commerciaux récurrents entre les deux pays – TikTok ne représente ici qu’un pion.

La lecture américaine de la « menace TikTok » est partiellement partagée du côté européen, selon un nuancier reflétant les complexités du rapport plus large du continent à la Chine. Diversement appréciée de ce côté de l’Atlantique, la compétition sino-américaine illustre pleinement la difficulté pour les Européens de déterminer leur positionnement commercial et stratégique par rapport à la Chine, alors que celle-ci vise à légitimer son techno-autoritarisme. La France et l’Allemagne, en particulier, conservent une ligne ambivalente envers Pékin, cherchant à préserver les relations économiques bilatérales et retournant les questions politiques sensibles à Bruxelles – dont, précisément, les enjeux numériques.

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